Richmond et sa rue principale – Chapitre 1

Voici le premier de 3 articles de Héritage du Val-Saint François parus et à paraître dans le bulletin municipal trimestriel «L’ardoise» qui paraît à Richmond et sa région.

Notre rue principale

Est-ce trop tard ?

Au milieu de l’été 2016, Stéphanie Bérubé, journaliste à La Presse rendait compte de son excursion au nord des Cantons-de-l’Est. Suivant une ligne Danville – Upton, sa flânerie estivale passait naturellement par chez nous. De Richmond toutefois, point de trace dans son article ni sur la belle carte l’illustrant. À sa place, une évocation charmante des maisons de Melbourne et, tout à la fin, une conclusion en forme de jugement «Si vous aimez les vieilles bâtisses de briques rouges, traversez le pont et faites un saut à Richmond, où les demeures cossues et les bâtiments commerciaux sont nombreux. Leur état est, hélas, souvent bien mauvais.»

N’est pas «Principale» qui veut…

Stéphanie Bérubé a simplement vécu l’expérience de tous ceux qui nous visitent. Quand les touristes, passants, résidents ou investisseurs potentiels entrent à Richmond c’est la rue principale (RP) qui les accueille. Par design les centres-villes bien conçus favorisent la convergence et sont les premiers points de contacts avec les visiteurs. Si l’expérience de notre rue principale laisse à désirer, c’est toute la réputation de notre communauté qui est engagée quelque soit la beauté des autres quartiers.
La fréquence du sujet «Rue Principale» dans le débat public montre une unanimité chez les élus comme chez les citoyens : il est maintenant temps d’agir.
Explorons un peu la fonction et l’origine des centres urbains.

À quoi sert une RP?

Souvent identifiée à la notion de centre-ville, la RP est un axe de convergence des voies d’accès à la municipalité. Elle se confond souvent avec le noyau urbain originel ce qui en fait le secteur le plus ancien de la communauté et le point de départ de l’expansion urbaine vers d’autres quartiers historiques qu’elle relie directement.
On y trouve presque toujours un carrefour de routes importantes et les traces d’un premier établissement pré-urbain. À Richmond le croisement de l’axe N-S (route 116) et rue de la rivière (incluant la voie ferrée longeant la Saint-François) est le lieu du premier aménagement fixe connu : l’édification d’un moulin à scie hydraulique à la sortie du ruisseau Cushing.
À son âge d’or, un centre-ville traditionnel portait un sens intense de sa communauté. Un passant pouvait y identifier rapidement l’origine de la prospérité locale et les principales composantes du milieu : confessions, origines etc.. Il trouvait facilement les édifices publics, les commerces et la plupart des services dont il avait besoin. Le pouvoir municipal -comme ceux de la justice et de la police- était le signal incontournable qu’on se trouvait sur la «Main». La plupart des professions libérales y avaient pignon sur rue à côté des banques et de quelques boutiques qui propageaient la mode et le chic même dans les régions éloignées.
Des terrasses de café, des bancs publics et des placettes en faisaient l’espace privilégié par les citoyens pour se rencontrer et fêter. Ces aménagements apportaient, même dans les petites communautés, un sens de l’urbanité essentiel pour qualifier une ville et lui donner caractère et importance.
En somme une ville sans sa RP, ça n’existait pas.
Mais les temps ont changé…

Le centre de la «Main» de Richmond au tournant du siècle. Une diversité de commerces et de styles

Le déclin des rues principales

Avec l’avènement de l’automobile, l’étalement urbain et ses corollaires – les centres commerciaux- ont ébranlé cette organisation. Un peu partout un déclin des centres-villes c’est amorcé. Commerces fermés, sensation d’abandon, délabrement, même dans les grandes villes, les centres historiques et les grandes artères marchandes ont traversé des crises sévères.
À Richmond, les fermetures manufacturières, l’influence des grands centres urbains comme Drummondville et surtout Sherbrooke, ont vidé progressivement la principale de ses commerces. Même les banques qu’on pensaient plus résistantes à la crise ont peu à peu plié bagage. Pour encaisser la perte de revenu, les propriétaires ont converti certains commerces en logements. Et ce qui devait être un moindre mal est devenu le symbole d’un quartier en voie d’appauvrissement. Les loyers, forts différents des baux commerciaux, n’incitant pas à la rénovation, notre centre-ville a perdu progressivement son intérêt caractéristique et sa splendeur.
Nous en sommes là aujourd’hui.

Quel avenir pour la rue principale?

Ce débat semble être engagé dans toute la communauté. Lors de la consultation publique du 10 avril des comités de citoyens se sont rassemblés autour de différents thèmes : «patrimoine, culture et tourisme», «infrastructures», «développement économique», «vie communautaire»,  «ainés» etc…  Tous ces comités se relient à divers aspects de la rue principale et apporteront leurs contributions à un plan d’action dans les mois à venir.

Vue des immeubles à occupation mixte –commerciale et résidentielle – dans les années 50. Comparez avec la photo A et notez l’évolution des façades dans le temps.

Dans le prochain article, nous aborderons les différentes options possibles pour notre rue centrale :
–     La solution du tout résidentiel
–     Reconstruire la rue principale ailleurs
–     Organiser la renaissance de la rue principale

Dans un troisième et dernier article, nous vous présenterons les approches qui ont réussi ailleurs et qui ont contribué à la renaissance, non pas seulement des centres-villes, mais, par entrainement, de communautés toutes entières.
À Richmond, une telle démarche pourra s’appuyer sur un milieu d’affaires fort – et conscient des enjeux -, un tissu communautaire actif et solidaire et une richesse historique et culturelle qui ne demandent qu’à rayonner.
Notre cité ancienne au caractère unique pourrait bien jouer là, la meilleure carte de sa déjà longue histoire.

Laurent Frey

Héritage du Val-Saint-François