Richmond et sa rue principale – Chapitre 2

Voici le deuxième de 3 articles de Héritage du Val-Saint François parus et à paraître dans le bulletin municipal trimestriel «L’ardoise» qui paraît à Richmond et sa région.

Dans le précédent article nous abordions les caractéristiques des rues principales, leur origine, leurs fonctions et leur lent déclin à partir des années 80, bousculées par les zones commerciales, les grands centres urbains et une série de crises économiques. Aujourd’hui nous vous présentons les grandes options qui se présentent à Richmond : la poursuite d’une conversion résidentielle de la rue principale (RP), le déménagement de la RP ou l’organisation de sa renaissance.

L’approche résidentielle

À Richmond, rappelons-le, les fermetures manufacturières des années 90 ont bouleversé l’équilibre de toute la cité. Très vite, c’est le secteur commercial du centre-ville qui a été affecté à son tour par les pertes d’emploi entrainant l’appauvrissement de la population et un déficit migratoire. Pour maintenir un revenu minimal malgré la fermeture de commerces, certains propriétaires ont commencé une conversion de leur immeubles en baux résidentiels (moins lucratifs). Au bout de quelques années, cette solution de crise a fait l’objet d’un moratoire mais son impact se lit désormais clairement : des devantures peu entretenues occultées par des rideaux, un voisinage globalement pauvre et une animation essentiellement disparue malgré de notables efforts municipaux. Les commerces non convertis sont inoccupés à 70%.
On est arrivé au résultat ambigu actuel où quelques commerçants courageux et dynamiques maintiennent leurs activités dans un milieu appauvri et dégradé. Les vitrines-logements envoient le message peu valorisant d’une communauté en échec qui ne prend pas soin d’elle-même.
Cette situation pénalise l’ensemble de la communauté car le milieu de vie qu’elle présente est peu attirant pour les investisseurs, les travailleurs, les visiteurs et les touristes. Dans cette dynamique, Richmond perd son rôle de centre urbain moyen et avec lui toutes les activités qui y sont rattachées. Les municipalités de la région perdent, elles, un centre qui complétait avantageusement leur offre.
Terminer le travail de conversion résidentielle pourrait constituer une stratégie. Une transformation nette des façades commerciales nous sortirait de l’entre deux déprimant des vitrines habitées ou désertes actuelles.
Mais ce serait oublier qu’à Richmond, l’entrée de la ville et les quartiers patrimoniaux sont connectés à ces deux rues centrales. Veut-on accueillir nos visiteurs dans une rue tranquille plus ou moins rénovée ou bien dans la vitalité d’une communauté en mouvement ?
Puisque l’animation commerciale à Richmond semble s’être en partie déplacée en haut de la rue Craig, doit-on en conclure qu’il faut déplacer la rue principale?

Reconstruire la rue principale ailleurs

Cette solution est parfois évoquée lors de différentes consultations. Elle semble la moins coûteuse puisqu’elle ne s’attaque pas à la revitalisation du centre-ville et laisse à la charge des propriétaires la conversion résidentielle de leurs immeubles.
On concentrerait en haut de Craig les efforts de planification d’une zone commerciale moderne. L’effort se limiterait à relancer le développement d’un secteur qui comporte déjà des commerces dont certains sont bien fréquentés. Aucun risque de compétition avec une rue principale réactivée. Tout le monde y trouverait son compte.

Oui, mais…

Le centre-ville continuerait tout de même d’être le point de réception des visiteurs. Sa situation géographique l’impose. Richmond, ville patrimoniale unique en région accueillerait les touristes au sud par une rue résidentielle presque déserte et au nord par une zone commerciale, sorte de mini rue King, organisée pour la voiture et n’offrant que quelques aménagements piétons.
Les citoyens Richmondais seraient contraints de s’organiser pour reconstruire des lieux de sortie et de socialisation. Les services publics resteraient éparpillés de même que l’offre culturelle. La rivière, déjà sous utilisée, resterait en retrait de toute idée de valorisation.
Peut-on faire mieux?

Organiser la renaissance de la rue principale

L’autre approche est d’organiser une revitalisation progressive du cœur de notre ville. De très nombreuses communautés ont développé cette vision à long terme et les méthodes, coûts, concepts et impacts sont largement connus et disponibles.
Combinant des approches organisationnelles, promotionnelles, architecturales et urbaines avec un plan de restructuration économique, cette projection dans l’avenir engage tous les acteurs du milieu.
Bien plus qu’une opération d’embellissement uniquement centrée sur les façades et l’aménagement de la rue, les démarches de Rues Principales sont, partout dans le monde, l’occasion pour les communautés de faire le point sur leurs atouts, de se doter de d’instances rassembleuses et opérationnelles et de mettre au point une stratégie de restructuration économique.
Si cette approche laisse habituellement un impact fort sur les cités c’est sans doute en raison de sa capacité à mobiliser un milieu tout entier. Du citoyen à l’élu en passant par les commerçants, les milieux d’affaires, culturels et touristiques, un projet de revitalisation bien mené devient un objectif collectif auquel tout le monde peut contribuer.

Projet de rénovation de façade sur la RP en 2018. La photo B montre l’état original. Il est possible de récupérer un certain état d’authenticité par l’étude des photos anciennes et l’application de solutions architecturales abordables.

La rue principale : à la croisée de toutes les énergies de la communauté

On l’a vu, les RP sont bien plus qu’une série de façades commerciales plus ou moins animées. Dans les villes anciennes comme Richmond leur emplacement stratégique les rend incontournables comme entrées de ville. Elles sont le visage de la communauté, sa vitrine et s’adressent donc tout autant aux résidents qu’aux visiteurs et aux touristes.
Leur emplacement central en font le lieu où l’on converge naturellement pour se rencontrer, fêter, sortir. Leur longue histoire (voir article précédent) se confond avec celle de la cité et explique souvent leur grand intérêt architectural et leur façon unique de refléter le caractère du lieu et de ses habitants.
À un moment crucial et rare de pénurie de la main d’œuvre, les communautés luttent plus que jamais pour leur attractivité. La qualité des milieux de vie joue donc un rôle croissant pour attirer des travailleurs qui n’ont que l’embarras du choix. Et c’est ainsi qu’une problématique sociale, urbaine puis commerciale devient aussi un enjeu pour le développement industriel et touristique.

Richmond possède l’atout unique d’une rue principale riche d’histoire et idéalement située qui peut jouer un rôle moteur* dans le rayonnement futur de notre splendide cité patrimoniale.
Ensemble, saisissons cette chance unique!

Laurent Frey
Héritage du Val-Saint-François

* : les comités citoyens «patrimoine, culture et tourisme», «infrastructures», «développement économique», «vie communautaire», et «aînés» proposent d’ores et déjà des approches qui incluent souvent la RP. Le conseil de ville, de son côté, mène des réflexions similaires. On avance !